09 février 2009
Camille Bloomfield à propos d' «Un énorme exercice»
Il existe un autre texte de Jouet pertinent ici, qui se situe dans «Un énorme exercice», très bel ouvrage contenant des monotypes de Tito Honegger (plasticienne) et des poèmes de Jouet, dans un véritable dialogue des deux artistes. La couverture du livre est une page de 52x83 centimètres pliée de façon à «envelopper» littéralement les monotypes, situés à l’intérieur de l’ouvrage, et c’est sur celle-ci que se situent, en couleur, des arts poétiques se désignant comme tels. Ainsi on trouve, sous le titre «Art poétique»: «un énorme exercice / contient / l’œuvre/ l’œuvre/ contient / un énorme exercice». La construction en chiasme souligne à la fois la complémentarité qui existe entre le travail des deux artistes, celui de Jacques Jouet et celui de Tito Honegger, et le lien de double complémentarité qui existe entre l’exercice et l’oeuvre. En effet, l’exercice en soi mérite à être revalorisé, car sans lui, il n’y aurait point d’œuvre. Ici, l’art poétique est en outre élargi car il concerne aussi un autre art: le monotype. Avec Jacques Jouet, il se mue plutôt en «art artistique», transdisciplinaire, donc de portée plus large. L’un des textes évoqués s’intitule justement « art artistique ». Dans celui-ci, Jouet opère une variation minimale sur le texte précédent – variation d’une seule lettre: «L’œuvre / convie / à d’énormes exercices / d’énormes exercices / convient / à l’œuvre.», soulignant par là que la complémentarité, déjà évoquée, entre l’œuvre et l’exercice, existe aussi à un niveau chronologique: l’un naît de l’autre et vice-et-versa. Cette répétition de la structure chiasmique ainsi que l’insistance sur la circularité de l’échange qu’il peut y avoir entre différents niveaux d’écriture vient naturellement s’inscrire dans ce que Marc Lapprand a défini, à propos de l’écriture de Jacques Jouet, comme étant un projet d’«œuvre ronde».
Extrait d'une communication de Camille Bloomfield (Paris 8) lors de la Journée d’étude «Arts poétiques et arts d’aimer», organisée par Margot Demarbaix, Claire Paulian, Loïc Windels, à Paris 8 – Saint-Denis, le 6 mai 2008.
Le texte intégral de la communication de Camille Bloomfield, intitulée: « Les mots, il suffit qu’on les aime » : les arts poétiques à l’Oulipo" est disponible sur le site Fabula: http://www.fabula.org/colloques/document1085.php
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