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01 février 2010

Au-delà Lisboa par Anne Pitteloud

«Lisbonne dans le regard de Miracle», par Anne Pitteloud

Dans Visions de Thamühl, Marcel Miracle bâtissait une ville imaginaire truffée de personnages mystérieux et d'objets-signes (Le Courrier du 17 janvier 2009). L'artiste et écrivain lausannois nous emmène aujourd'hui dans une cité réelle... et «au-delà», comme l'indique le titre: dans Lisbonne, c'est une géographie du visible et de l'invisible que Miracle arpente en rêveur inquiet, ramenant de ses déambulations des images, de petites scènes, des sensations, à la manière d'un enfant qui ramasse des galets. Il y a ces vendeurs à la sauvette, un poisson rouge de plastique, «l'enseigne / le chien noir / ma main / la faim», une bouée orange qui flotte «comme un point à la fin d'un texte: le monde prenait sens», ou encore cette jongleuse autour de laquelle «un cercle d'yeux fascinés / faisait barrage / contre la réalité sauvage». Lui y plonge, dans ce réel, à la manière de Noé qui «s'empare des êtres et de choses à la dérive, en cette mythologie moderne, pour les magnifier».
Lisbonne est instrument de révélation, et les pas du narrateur toujours le ramènent vers cette tour fichée en son centre, l'Elevador de Santa Justa, moderne édifice au milieu des églises. De ce lieu d'extase une jeune femme fit le grand saut, et cette évocation forme le pivot central du livre: en sa partie centrale, des poèmes précédés d'une étoile typographique tournent autour du drame et de l'obsédante question «pourquoi?» Les textes sont ici rythmés par des dessins sur papier calque: Miracle y montre une tour bariolée, décorée et gaiement colorée, à côté de laquelle visages et animaux évoquent un monde symbolique.
Avant de se suicider, la jeune femme lui a offert «l'étoile de mer brisée» de son enfance – elle vibre, rouge et émouvante, sur la couverture coloriée au stylo bille bleu d'Au-delà Lisboa. Cette étoile est cassée: «Peut-être / est-ce là que la fêlure a commencé chez toi / et tu m'as offert ce souvenir de vacances / morceau / d'innocence annonciateur / de grand bris». Marcel Miracle signe un recueil d'une poésie déchirante, aux accents d'émerveillement et d'inquiétude mêlés. Et c'est avec une bouleversante simplicité qu'il lit les signes du monde et sa magie. «Flèches blanches / sur la route / pourtant je ne sais / où je vais», écrit-il au moment de prendre congé.

le site du Courrier

10:58 Publié dans Dans la presse | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : marcel miracle | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook

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