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12 juin 2007

Ehab Hassan: vernissage du livre

Je ne peux apporter de réponses, mais seulement exprimer ce que je ressens. Mes mots et mes lettres ont une existence propre. Je ne réfléchis jamais à la forme et à la place qu’ils vont prendre. Avec le papier comme monde nouveau, je les crée, mais bien que je sois leur maître ce sont eux qui me contrôlent, guidant ma plume de façon capricieuse dans toutes les directions, jusqu’à ce qu’ils se posent et prennent place dans l’univers du vide. Leur capacité à intégrer un monde nouveau me fascine et me surprend sans cesse. Comme s’ils étaient là depuis des siècles, précédant l’Histoire. Et il faut bien le dire et même l’admettre : ils ne viennent pas facilement. Le geste en soi - l’imprégnation de ma plume sur le papier blanc et la pression mystérieuse qu’elle exerce chaque fois vers des directions différentes, pour ainsi dire inattendue - est un acte de violence et de détermination. Cette même violence qui accompagne tout acte d’amour et qui aboutit à la fécondation et à la vie. Un besoin de mouvement est nécessaire pour stimuler ces éléments mystérieux de la nature à devenir quelque chose de neuf, quelque chose d’autre, quelque chose qui n’existait pas auparavant. Ce n’est pas une violence destructrice, mais une violence dosée, énigmatique et nécessaire à toute création. Mes mots et mes lettres parviennent non seulement à vivre en parfaite harmonie avec l’espace-vide d’avant leur création, mais ils parviennent à magnifier ce vide, fiers de leur beauté, en lui donnant un poids plus réel et un sens beaucoup plus profond. Ce qui était espace non identifié similaire à d’innombrables autres espaces, acquiert maintenant une identité propre. Dans leur volonté de combler le vide pour pouvoir exister, ils donnent à l’espace libre un sens nouveau, une vie nouvelle, et cela est pour moi une leçon de générosité ! Je les contemple souvent et me demande comment ils sont capables de vivre ensemble. Je sais que certaines lettres, comme le «Alif» par exemple, - qui est probablement la forme géométrique la plus simple, obéissant aux lois de la gravité: du haut vers le bas, de l’immensité du vide vers le fond - sont les forces directrices. Elles permettent aux autres lettres, moins affirmées, plus réservées peut-être, d’exister. Elles donnent à ces autres lettres l’impulsion nécessaire pour rejoindre le jeu de la vie et de l’existence. Si une lettre voile une autre, jamais elle ne l’élimine, elle l’enrichit et, par là-même, s’enrichit. Au début, je ne voulais pas traduire mes lettres et mes mots. Mes créatures sont déjà traduites, pourquoi aurais-je besoin de les traduire d’une façon «rationnelle», et qui ne convient pas à leur désir de liberté absolue? Je m’identifiais à elles : Nous ne voulons pas nous livrer au monde extérieur, combler l’ignorance. Pourquoi n’essaie-t-il pas de nous comprendre, lui, pourquoi n’essaie-t-il pas de nous apprécier telles que nous sommes? S’il ne peut pas comprendre toutes les facettes de notre existence, pourquoi ne peut-il pas se contenter de nous donner de l’espace? J’ai donc dû faire des compromis, tout comme mes lettres le font parfois. Et même là, je voulais que cette traduction soit la bonne. J’ignore comment l’idée est venue exactement. Elle a surgi soudainement, provoquée comme toujours - de nouveau - par un désir d’esthétisme. Je voulais que ceux qui ne peuvent pas me «voir», se donnent plus de peine pour me comprendre et accepter mon existence. Et immédiatement, j’ai pensé au braille. Fasciné par cette écriture qui demande au «lecteur» de toucher le papier afin de décoder la signification de l’écrit, et qui crée en même temps des formes inattendues. J’ai senti que c’était la bonne chose à faire...

 

Ehab Hassan
«Sans titre» (sans adresse)

édité à compte d'auteur par ehab hassan
les calligraphies et les textes sont l’œuvre de ehab hassan
les traductions arabe-français sont de susan ebbutt et béatrice leresche
la conception et la mise en page sont de sofi eicher
impression:
calligraphies sur z offset 120g, sérigraphie par daniel guibat à échandens
textes français sur calque gmund color 100gr, laser par christophe vielliard, imprimerie chabloz à lausanne
braille sur papier braille, par marianne castella au cphv à lausanne
reliure:
à la japonaise et à la main par sofi eicher, atelier de reliure contemporaine à lausanne
tirage limité à 60 exemplaires dont
50 numérotés de 1 à 50
et 10 hors commerce numérotés à la main de 1HC à 10HC
et 3 ex. pour le tirage de tête, avec une reliure originale de sofi eicher.

 

Exposition
lors du vernissage le 15 juin 2007, à lausanne, on pourra découvrir le livre par le toucher dans la pénombre d’une chambre noire, au son d’une récitation coranique du cheich Mohamed al Manshaoui.

installation conçue par ehab hassan.
réalisée par laurent berthoud.
lumière et son par laurent castella.